Après un an de silence forcé, l’écrivain Boualem Sansal a repris la parole sur France 2, le 23 novembre, dans une intervention qui a immédiatement suscité un vif écho médiatique. De retour en France après une année de captivité en Algérie, l’auteur de 2084 n’a pas seulement livré un témoignage personnel : il a ravivé un débat politique majeur, celui des relations entre la France et l’Algérie, et plus largement celui de l’influence croissante de l’islamisme sur une partie du paysage politique français.
Avec son langage précis et son esprit incisif, Sansal a dénoncé ce qu’il décrit comme la « francophobie d’État » qui, selon lui, structure le pouvoir algérien depuis l’indépendance. Il pointe un système politique qui instrumentalise la haine de la France pour maintenir son autorité interne. Pour l’écrivain, ce ressort idéologique est si profondément ancré qu’aucun événement extérieur, aucune déclaration française, ne pourrait réellement modifier l’attitude d’Alger : « La dictature algérienne entretient cette francophobie depuis plus de soixante ans », rappelle-t-il.
Interrogé sur la polémique née des propos très fermes de Bruno Retailleau à son sujet, Sansal minimise toute responsabilité du sénateur. Selon lui, le régime algérien aurait réagi de la même manière, Retailleau ou non. « Bruno est mon ami », précise-t-il, affirmant que les deux hommes se sont appelés et ont prévu de se rencontrer dans les prochains jours.
Mais l’intervention de Sansal a également mis en lumière une autre fracture politique : celle qui traverse la France autour de la question de l’islamisme. L’écrivain critique ouvertement l’attitude de La France insoumise (LFI), expliquant que sa virulence à son égard relève d’un calcul politique destiné à séduire une partie de l’électorat islamiste. Cette accusation, déjà formulée par plusieurs observateurs de la vie politique, prend un relief particulier dans la bouche d’un dissident algérien réputé pour sa lutte contre l’intégrisme religieux.
Le retour de Boualem Sansal sur la scène médiatique française ne constitue donc pas seulement un événement littéraire ou personnel : il ravive des tensions anciennes entre Paris et Alger, et met en exergue les ambiguïtés françaises face à l’islamisme politique. En quelques minutes d’entretien, l’écrivain a replacé au cœur du débat public des sujets brûlants — la liberté d’expression, la pression des régimes autoritaires, les stratégies électorales en France — confirmant son rôle d’intellectuel libre, parfois dérangeant, toujours lucide.
