La Cour d’appel de Tizi Ouzou a confirmé la peine de sept ans d’emprisonnement prononcée contre le journaliste français Christophe Gleizes. Accusé d’« apologie du terrorisme », il est détenu en Algérie depuis mai 2024. Cette décision, très commentée en Europe comme en Afrique du Nord, met en lumière les tensions persistantes autour de la liberté de la presse, des enquêtes journalistiques menées en contexte sensible et de la place des mouvements régionalistes dans la vie politique algérienne.
Une condamnation qui interpelle la communauté internationale
La confirmation de la peine infligée à Christophe Gleizes marque une étape importante dans une affaire suivie de près depuis plus d’un an. Le journaliste, âgé de 36 ans, travaillait sur un reportage consacré au club de football de la Jeunesse Sportive de Kabylie lorsqu’il a été arrêté en Algérie. Les autorités l’accusent d’avoir eu des échanges avec une personnalité locale affiliée à une organisation classée terroriste par Alger.
La justice algérienne considère que ces contacts relèvent d’une « apologie du terrorisme ». La défense, elle, explique qu’il s’agissait d’entretiens journalistiques dans le cadre d’un travail de terrain, et qu’aucune preuve matérielle ne permet d’étayer l’accusation d’intention hostile.
Cette divergence d’interprétation constitue l’un des points centraux du dossier : où se situe la frontière entre investigation légitime et entorse à la législation antiterroriste d’un État souverain ?
Un contexte judiciaire marqué par une définition élargie du terrorisme
Depuis plusieurs années, l’Algérie a modifié son arsenal législatif en matière de sécurité nationale. La définition du terrorisme inclut désormais des actes ou prises de position liés au séparatisme ou à la contestation de l’ordre constitutionnel.
Cette évolution a été critiquée par plusieurs organisations internationales, qui estiment qu’elle peut englober des formes d’expression politique ou journalistique. Pour les autorités algériennes, ces dispositions sont indispensables pour préserver l’intégrité du pays face à des mouvements perçus comme menaçants.
La détention du journaliste intervient dans ce climat : une période où la marge de manœuvre pour aborder certains sujets sensibles, notamment en Kabylie, s’est nettement réduite.
La Kabylie, une région centrale dans les enjeux identitaires algériens
Pour comprendre les tensions entourant cette affaire, il faut revenir à la place singulière de la Kabylie dans l’histoire contemporaine algérienne.
Cette région, qui possède une identité linguistique et culturelle forte, a longtemps porté des revendications autonomistes ou démocratiques. Le mouvement MAK, classé terroriste depuis 2021 par Alger, symbolise cette contestation, même si ses activités sont désormais principalement basées à l’étranger.
La sensibilité politique autour de ces revendications explique en partie pourquoi les autorités observent avec vigilance toute prise de contact avec ses membres ou sympathisants. Dans ce contexte, le travail journalistique se heurte à un terrain où les frontières entre sources, acteurs politiques et individus recherchés deviennent difficiles à tracer.
Un dossier qui met à l’épreuve les relations franco-algériennes
L’arrestation puis la condamnation de Christophe Gleizes interviennent dans une période où Paris et Alger tentent de stabiliser une relation souvent marquée par la méfiance.
La France assure suivre la situation « avec attention » tout en évitant toute ingérence directe dans une procédure judiciaire étrangère.
De son côté, le monde du journalisme exprime une profonde inquiétude. Reporter sans Frontières et plusieurs rédactions françaises estiment que cette affaire crée un précédent dangereux et qu’elle pourrait dissuader d’autres reporters de se rendre en Algérie pour y documenter des sujets sensibles.
Quel avenir pour le journaliste détenu ?
Avec la confirmation de la peine en appel, les perspectives de court terme semblent limitées. Des voies de recours existent encore, notamment devant la Cour suprême algérienne, mais les délais judiciaires peuvent être longs.
La question d’une éventuelle médiation diplomatique restera probablement en suspens tant que les autorités algériennes maintiendront que le dossier relève exclusivement du droit interne.
Les soutiens de Christophe Gleizes espèrent néanmoins que les prochaines étapes permettront un réexamen plus large du dossier, intégré dans une réflexion sur la place du journalisme dans des environnements politiques sensibles.
Un cas emblématique des difficultés rencontrées par les journalistes en zones de tension
Au-delà du cas individuel, l’arrestation de Christophe Gleizes illustre les défis auxquels sont confrontés les reporters travaillant sur des sujets politiques ou identitaires dans certains pays.
Entre exigences sécuritaires, divergences d’interprétation du rôle de la presse et législations antiterroristes jugées parfois trop extensives, l’exercice du métier peut rapidement devenir risqué.
L’affaire vient rappeler qu’en 2025, exercer la profession de journaliste dans des régions politiquement chargées nécessite non seulement des compétences journalistiques, mais aussi une compréhension fine des cadres juridiques locaux et des risques associés.













