L’ancienne cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a été placée en garde à vue en Belgique dans le cadre d’une enquête menée par le Parquet européen sur de possibles irrégularités financières. Cette affaire, qui touche également un haut responsable de l’UE, ravive les interrogations sur les mécanismes de transparence, de gouvernance et de contrôle au sein des institutions européennes.
Une enquête d’ampleur qui vise un projet de formation diplomatique financé par l’UE
Les autorités belges ont mené plusieurs perquisitions simultanées à Bruxelles et à Bruges dans le cadre d’une enquête du Parquet européen sur des soupçons de fraude liés à un programme de formation destiné aux futurs diplomates de l’Union.
Ce programme, financé par des fonds européens et piloté par des institutions de haut niveau, fait aujourd’hui l’objet de « forts soupçons » de manquements aux règles de concurrence prévues lors des appels d’offres publics.
Selon les premiers éléments communiqués par le Parquet européen, l’enquête cherche à établir si des informations confidentielles ont été transmises à l’un des candidats avant l’attribution officielle du projet. Si cela était avéré, il pourrait s’agir d’une violation grave des principes de neutralité dans la passation des marchés européens.
Federica Mogherini entendue par les enquêteurs : une figure majeure de l’UE dans la tourmente
Federica Mogherini, Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères entre 2014 et 2019, fait partie des personnalités interrogées.
Depuis 2020, elle dirige le Collège d’Europe, établissement académique prestigieux où se déroule une partie du programme en question.
Sa mise en garde à vue, dans le cadre d’une opération officielle supervisée par la police belge, constitue un événement rare pour une ancienne dirigeante européenne encore active dans la sphère institutionnelle. Les enquêteurs cherchent notamment à comprendre si des membres du Collège ont bénéficié d’informations privilégiées lors du processus de sélection.
Stefano Sannino également interrogé : un autre haut responsable européen impliqué
L’affaire concerne aussi Stefano Sannino, qui dirige aujourd’hui la direction Moyen-Orient, Afrique du Nord et Golfe de la Commission européenne.
Ancien secrétaire général du Service européen d’action extérieure, il aurait, selon les enquêteurs, pu avoir connaissance de documents internes relatifs au projet de formation.
Son interrogatoire souligne l’importance de l’enquête : les personnes concernées occupent ou ont occupé des postes stratégiques, au cœur du fonctionnement diplomatique de l’UE.
Perquisitions multiples et vérifications administratives : un dispositif exceptionnel
Les perquisitions menées à Bruxelles, dans les locaux du Service européen d’action extérieure (SEAE), mais aussi au Collège d’Europe de Bruges et dans plusieurs domiciles privés, témoignent de la volonté du Parquet européen d’obtenir une vision exhaustive des communications, échanges et décisions liées au projet.
Le SEAE a confirmé la présence des enquêteurs dans ses bâtiments et indiqué coopérer pleinement. Les perquisitions auraient été autorisées après une levée d’immunité, ce qui laisse penser que certains protagonistes occupent, ou occupaient encore récemment, des fonctions bénéficiant de protections institutionnelles.
Un dossier sensible pour des institutions déjà soumises à des exigences accrues de transparence
L’affaire intervient dans un contexte où les institutions européennes, régulièrement critiquées pour leur complexité et leur éloignement des citoyens, cherchent à renforcer leur crédibilité.
Les règles en matière de passation de marchés publics, de conflits d’intérêts et de transparence comptable constituent des piliers essentiels de la gouvernance européenne.
Une mise en cause touchant simultanément deux anciens hauts responsables du SEAE pourrait relancer les débats sur :
- l’efficacité des dispositifs internes de contrôle,
- la prévention des conflits d’intérêts,
- la nécessité de renforcer l’indépendance des enquêtes administratives et judiciaires.
Une enquête appelée à durer, sous les regards de toute l’Europe
Le Parquet européen, encore jeune dans sa structure, joue ici une carte importante.
Il doit établir s’il y a eu délit pénal, corruption, fraude, violation du secret professionnel, ou simple dysfonctionnement administratif.
Les conclusions de l’enquête auront probablement un impact majeur :
- sur l’image du Collège d’Europe, institution clé dans la formation des élites européennes ;
- sur la crédibilité des mécanismes de passation de marchés ;
- sur la perception publique de la gouvernance de l’Union.
Les autorités ont rappelé que la garde à vue ne préjuge pas de la culpabilité des personnes entendues.
Cependant, l’affaire marque déjà un précédent dans l’histoire récente de l’Union européenne.













