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Sainte-Soline : le parquet ferme une partie du dossier mais confie à un juge l’enquête sur les tirs tendus

Près de deux ans après les affrontements violents de Sainte-Soline, le parquet de Rennes a annoncé le classement sans suite des plaintes visant des gendarmes pour violences et non-assistance à personne en danger. En revanche, une information judiciaire est ouverte pour examiner des tirs de grenades jugés « non conformes ». Cette décision partielle relance le débat sur l’usage de la force lors des manifestations et sur la capacité de la justice à identifier les responsabilités individuelles dans des contextes de grande tension.

Un dossier complexe, entre contexte d’affrontements et impossibilité d’identification

Le rassemblement de Sainte-Soline, organisé contre un projet de réserves d’eau agricoles, avait dégénéré en affrontements particulièrement intenses. Les enquêteurs ont établi que quatre manifestants grièvement blessés avaient été touchés par des tirs de lanceurs de balles de défense ou de grenades lacrymogènes.
Toutefois, à l’issue de l’enquête préliminaire, le parquet considère qu’il est impossible d’identifier précisément les auteurs des tirs, notamment en raison du contexte d’intervention et du nombre élevé de gendarmes engagés.

Cette impossibilité d’attribution individuelle constitue un motif classique de classement sans suite dans les dossiers impliquant des unités policières nombreuses, où les images disponibles ne permettent pas de distinguer clairement les responsabilités.


Une absence de preuves d’omission volontaire de secours

Les plaintes pour non-assistance à personne en danger ont également été classées.
Selon le parquet, aucune preuve n’établit que les forces de l’ordre auraient délibérément refusé de porter secours aux blessés.
La question de l’accès des équipes médicales aux zones de tensions a été analysée, mais l’enquête n’a pas permis de démontrer l’existence d’une intention de bloquer ou retarder les secours.

Cette conclusion ne remet toutefois pas fin au débat public, certains observateurs estimant que le chaos de la journée a pu entraîner des défaillances dans la prise en charge, sans pour autant constituer une infraction pénale.


Des tirs tendus jugés “non conformes” : le cœur du nouveau volet judiciaire

Si une partie du dossier s’arrête là, une autre s’ouvre. Le parquet a décidé de confier à un juge d’instruction l’analyse précise des tirs dits « tendus », c’est-à-dire des grenades lancées à l’horizontale, pratique strictement encadrée par les textes.
Les premiers éléments laissent penser que certains tirs n’auraient pas respecté les règles d’usage en vigueur.

Le juge devra déterminer si ces gestes relèvent d’une faute déontologique, d’une infraction pénale ou d’une action justifiée par le contexte.
Ce point est crucial : selon les spécialistes du maintien de l’ordre, un tir tendu peut causer des blessures particulièrement graves, ce qui renforce la nécessité d’un examen indépendant.


Le rôle des images dans la relance du dossier

Des vidéos captées par des caméras-piétons et diffusées plusieurs mois après les faits ont joué un rôle décisif dans l’orientation nouvelle de l’enquête.
Ces images, tournées par les forces de l’ordre elles-mêmes, montrent des gestes susceptibles d’être interprétés comme contraires aux consignes opérationnelles.

La gendarmerie a reconnu que certains comportements ne correspondaient pas aux règles professionnelles et qu’une enquête administrative interne avait également été ouverte.
Cette transparence relative contribue à nourrir un questionnement plus large sur la formation, l’encadrement et l’emploi des armes en situation de maintien de l’ordre.


Des familles de victimes et des avocats partagés entre déception et attente

Pour les blessés, le classement partiel du dossier est vécu comme une décision difficile, qui ne répond pas pleinement à leurs attentes de justice.
Plusieurs d’entre eux envisagent désormais une constitution de partie civile afin de déclencher automatiquement une instruction élargie.
Cette démarche permettrait de contourner les limites de l’enquête préliminaire, en donnant au juge des pouvoirs d’investigation plus étendus.

De leur côté, des associations de défense des libertés publiques estiment que la seule ouverture d’une instruction sur les tirs tendus constitue une avancée, même limitée.


Un débat persistant sur l’usage de la force dans les manifestations

L’affaire Sainte-Soline s’inscrit dans une série d’événements ayant mis en lumière la difficulté d’encadrer l’usage des armes dites « intermédiaires » en contexte de manifestations violentes.
La multiplicité des unités engagées, la confusion des affrontements, mais aussi la pression exercée sur les forces de l’ordre contribuent à créer un terrain où les responsabilités sont difficiles à établir.

Les organisations de défense des droits humains soulignent régulièrement la nécessité d’un meilleur suivi des tirs, d’une traçabilité accrue et d’une formation renforcée.
À l’inverse, les syndicats de policiers et de gendarmes rappellent que les opérations sont menées dans des conditions extrêmes où leurs agents sont eux-mêmes exposés à des risques importants.


Une information judiciaire attendue, et peut-être décisive

Le juge d’instruction devra désormais clarifier plusieurs points :
les tirs étaient-ils conformes aux règles d’engagement ?
étaient-ils proportionnés à la violence rencontrée ?
et pouvaient-ils être évités ?

Ces questions, au-delà du cas de Sainte-Soline, pourraient influencer la doctrine française du maintien de l’ordre, un sujet régulièrement débattu au Parlement comme dans les institutions européennes.

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